L’aviation et les escroqueries
De la Maison-Blanche à Wall Street et Hollywood en passant par le royaume d’Arabie saoudite et la pétromonarchie d’Abu Dhabi, nombre de grands de ce monde ont été éclaboussés par cette affaire hors normes où au moins 4,5 milliards de dollars ont été détournés. Une affaire qui mobilise encore les justices de treize pays dont la France.
Conçu à l’origine pour développer l’économie de la Malaisie, et financé notamment par les placements des petits épargnants malaisiens, le fonds 1MDB (pour 1 Malaysia Development Berhad) a en réalité alimenté les comptes bancaires de Najib Razak, le Premier ministre malaisien, Khadem Al-Qubaisi, un homme d’affaires d’Abu Dhabi, et Jho Low, un businessman jet-setteur touché par la folie des grandeurs. L’argent du magot qu’ils ont volé a notamment bénéficié ensuite à une kyrielle de stars et de puissants. Leonardo DiCaprio, Robert De Niro ou encore le mannequin Miranda Kerr ont été épinglés dans le show-biz, des gros poissons de Wall Street côté finance, comme Goldman Sachs, tandis qu’au rayon politique, l’argent de 1MDB est soupçonné d’avoir financé les campagnes électorales des deux derniers présidents américains, pilotage avion Barack Obama et Donald Trump.
Ce casse du siècle se prépare fin août 2009 à l’abri des regards, sur l’« Alfa Nero », un mégayacht de 82 mètres croisant au large de Monaco. Le Premier ministre malaisien Najib Razak et son ami l’homme d’affaires Jho Low ont rendez-vous avec des Saoudiens, dont le prince Turki, fils du roi Abdallah, et Tarek Obeid, patron de la société PetroSaudi, se présentant comme « conseiller privé de la Couronne saoudienne ». Objectif affiché de la rencontre : créer un joint-venture entre le fonds souverain malaisien et l’Arabie saoudite. Mais, en réalité, il s’agit surtout pour les membres de la fine équipe de se remplir les poches. En deux ans, sous couvert d’investissements bidon dans des champs pétroliers et gaziers imaginaires, ils siphonnent 1,5 milliard de dollars.
Quand les médias commencent à s’interroger sur d’éventuelles malversations autour du partenariat entre 1MDB et PetroSaudi, les Saoudiens se retirent. Mais les dirigeants du fonds malaisien ne renoncent pas à poursuivre l’escroquerie. Ils trouvent un nouveau partenaire. Il s’agit d’Ipic, l’un des plus gros fonds souverains de la planète (65 milliards d’actifs en 2012). Il a été créé par la monarchie d’Abu Dhabi pour investir l’argent de la rente pétrolière du pays. A la tête de cette machine de guerre économique, Khadem Al-Qubaisi, KAQ pour les intimes. Cet homme d’affaires proche du cheikh Mansour, vice-Premier ministre des Emirats arabes unis, est alors au firmament. La presse arabe en fait son businessman de l’année et le magazine « Gulf Business » le classe quatorzième personnalité du monde arabe. Entre 2012 et 2013, KAQ et Jho Low détournent plus de 3 milliards de dollars des caisses de 1MDB. Leur méthode est toute simple : ils virent l’argent dans des paradis fiscaux sur des comptes de sociétés dont ils sont les bénéficiaires. Les deux hommes achètent sans compter : casinos, yachts, résidences de luxe dans le monde entier et peintures d’exception, des Monet, Van Gogh, Warhol, Basquiat… L’argent volé finance même, à hauteur de 100 millions de dollars, « Le loup de Wall Street », un film produit par la société Red Granite Pictures qui appartient au beau-fils de Najib Razak. La réalité dépasse la fiction. En 2014, entre détournements et mauvais placements, 1MDB affiche au total un trou de 10,5 milliards de dollars.
Princes des voleurs, Khadem Al-Qubaisi et Jho Low sont aussi des princes de la nuit menant grand train. Le premier possède deux des plus grands night-clubs de Las Vegas, l’Omnia et le Hakkasan, qu’il met à disposition de Leonardo DiCaprio pour fêter ses 40 ans en 2014. Les convives et les murs de la boîte de nuit s’en souviennent encore : ils ont été arrosés avec des bouteilles de champagne de la marque française As de pique à 50 000 dollars l’unité ; il y en aurait eu au moins pour 1 million de dollars…
Mais au concours des flambeurs, c’est Jho Low qui remporte la palme. Ce Gatsby asiatique, la classe en moins, collectionne les amitiés dans le show-biz comme les excès. Pour ses 32 ans en 2013, l’homme d’affaires jet-setteur s’est fait construire à Las Vegas un cirque miniature animé par des nains en costumes entourant des invités stars, tels Leonardo DiCaprio, Robert De Niro, Kim Kardashian, Jamie Foxx, Kanye West, Bradley Cooper, Benicio del Toro, Tobey Maguire ou encore le nageur de tous les records Michael Phelps. Une grande roue et un salon de casino ont aussi été installés. Plusieurs millions de dollars sont engloutis dans la soirée, avec, comme clou du spectacle, Britney Spears surgissant du gâteau d’anniversaire… Ces stars planétaires, Jho Low a l’habitude de les couvrir de cadeaux. Kim Kardashian reçoit une Ferrari de 325 000 dollars, Paris Hilton 250 000 dollars en jetons de casino lors d’une soirée à Las Vegas. La top model australienne Miranda Kerr s’est vu offrir un magnifique piano à queue transparent en acrylique d’une valeur de 1 million de dollars et des bijoux pour 8 millions, dont un collier en diamants de 11 carats en forme de cœur avec boucles d’oreilles assorties. Leonardo DiCaprio a aussi été bien loti. Low lui a offert notamment l’Oscar de Marlon Brando de 1955, un Basquiat, une sculpture de Roy Lichtenstein et un Picasso. Kerr et DiCaprio ont retourné leurs encombrants cadeaux. Robert De Niro aussi est prêt à le faire.
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